Échos d' un partenaire
LA PALANQUÉE

Crée il y a deux ans par deux boulonnais , cette association a déjà récolté sept mille photos du milieu maritime boulonnais. Elle a déjà organisée trois expositions à Boulogne sur mer.Une quatrième sera programmée en 2005.
Ils sont très heureux devant le succès de cette troisième exposition. Il y a eu environ 200 personnes de plus qu'à la précédente. Tous les métiers du monde de la pêche furent représentés, très souvent en famille. Une quatrième sera programmée en 2005.
Ceux qui ont une ou plusieurs photos des chalutiers "fourny" d' avant-guerre, notamment :
EYLAU ORIENT LOUISE-MARGUERITE ADRIEN
JEANNE-MARIE LA SLACK

MARIE qui a été coulé par une mine en 1915

N' hésitez pas à vous manifester sur ces demandes ou pour d' autres raisons comme un avis sur
l' exposition visitée ou une demande d' invitation.
V
ous pouvez le joindre à l' adresse

Lors de l' inauguration de la dernière exposition le 23 septembre 2003 Pierre Adrien , prenant la parole après le mot d' accueil du président, son frère, s' adressa à son tour aux invités.
Je vous propose de partager avec moi le plaisir de redécouvrir ses propos bien documenté et agrémenté de multiples touches d' humour

Bonsoir,

Mon frère m’a bien dit :

Point un : faire court,

Point deux : ne dire du mal de personne

Point trois : ne pas oublier de remercier tout le monde.

Je commence par le point trois, c’est le plus facile . Donc, merci à tous d’être là, merci à tous nos sponsors et merci à Godefroy-de-Bouillon, en la personne de monsieur Delaire, de nous accueillir à nouveau.

Pour le point un, faire court, j’y arrive, doucement mais sûrement. En avant, lente.

La plus grande partie de ces chalutiers pêche arrière ont quitté Boulogne. Ils avaient presque tous été achetés « sur le neuf » , comme on dit. Les patrons de pêche, chefs mécaniciens, chefs d’armement et armateurs boulonnais ont souvent participé activement à la conception et à la construction de ces bateaux qui ont été dans l’ensemble des réussites que les armateurs du monde entier nous enviaient. La preuve, ils nous les ont presque tous rachetés.

A part évidemment ceux qui ont fait naufrage, comme le « Ganymède » qui a fait le tour au large du cap Lizard, au sud de l’Angleterre, sous les yeux de Pierre Manière et de l’équipage du « Viking Bank », ou le « Snekkar Artic », plus dans le nord, avec de nombreuses pertes humaines.

A part aussi ceux qui sont partis en direct à la ferraille : les « Notre Dame de Salut » , « Cap des Palmes », « Viking Bank » ex « Frédéric Daniel » et le « Cap Saint Anne », le monde entier nous les enviant moins ces dernières années, ou à la ferraille après incendie comme le « Mousse » et
le « Moussaillon ».

Les autres ont connu des destins divers et variés. En voici quelques exemples :

- Le « Wimereux », le plus long, qui venait d’Allemagne où il s’appelait « Groenland » a fini sa carrière justement au Groenland. Il a été pêcher et congeler de la crevette et, les Groenlandais, peu au fait de la culture boulonnaise, et au lieu de l’appeler Rose Lacroix, l’ont appelé successivement :

FREDE SÖRENSEN
NANOK TRAWL avec un K
NANOQ TRAWL avec un Q , le peintre en lettres avait dû se tromper
TRAWL , tout court, le Sériès local devant être en rupture de stock ou ayant eu un impayé avec l’armateur
Puis POLAR TRAWL
toujours basé au port du Groenland que vous connaissez tous évidemment :
Holsteinsborg/Sismiut
Et a été démoli en 1995.

- « Le Matelot », lui, a changé de sexe sans douleur et est devenu « Cecilia », du prénom de la femme de l’armateur argentin qui l’a racheté à Manesse & Sénéchal . Vous pouvez voir les deux en photo, le bateau et l’épouse . Je n’ai retrouvé que le bateau, dont la photo est là, épave pillée dans le port de Mar del Plata, après la faillite du mari de Cecilia. Puis un autre armateur l’a racheté, et remis en état. Vous pouvez voir la résurrection de « Cecilia ». Nous n’avons pas d’information sur l’ état actuel de Cecilia , la femme de l’armateur.

- L’ « Emile Joseph », objectivement le plus beau pêche arrière de Boulogne, ainsi nommé car c’étaient les prénoms de deux respectables armateurs, Emile Sénéchal et Joseph Manesse, a aussi changé de sexe sans douleur et est devenu « Nelly », du prénom de la femme d’un associé de l’armateur argentin et prénom très bien porté aussi à Boulogne, notamment dans la presse quotidienne. Vous pouvez voir l’opération en photos.
Par la suite, « Nelly » a reçu un coup violent sur le derrière ( le bateau , pas la femme de l’associé ) qui lui a tordu le portique et lui a enfoncé la rampe, et nous l’avons retrouvé échoué et pillé au milieu d’un bassin du port de Buenos-Aires, juste avant sa démolition. Vous pouvez aussi voir cette triste photo.

- Le « Vierge Marie » de l’armement Bourgain, du Portel, a eu plus de chance. Il a été vendu en Argentine également, rebaptisé « Virgen Maria » et est toujours en très bon état, toujours vierge bretonne à 33 ans, ce qui est rare de nos jours, vu qu’il a été construit en 1971 à Saint-Malo. Vous pouvez le visiter en photos, voir notamment son nouveau moteur, et même voir son armateur à la barre. Il a une bonne tête, ce qui est normal pour un armateur, et c’est un homme pieux qui a enroulé son chapelet autour du périscope, comme vous pouvez le voir.

- Vous verrez aussi que le « Shetland » est maintenant argentin, s’appelle « Santa Barbara », est en très bon état apparent et toujours aussi beau. L’armateur est sans doute un téléspectateur du TF1 argentin et fanatique de feuilletons américains intellectuels. Le bateau a eu de la chance : il aurait pu être re baptisé « les Feux de l’Amour » , que regardait assidûment ma grand-mère à l’époque,
ou « Dynasty » ou « K 2000 ».

- Vous verrez aussi que le « Sydero » s’est appelé un moment « Santa Loana », non excusez moi c’est « Santa Joana », et que le « Klondyke » n°1 s’appelle « El Marisco 2 », ce qui veut dire « Le fruit de mer n°2 », d’après mon dictionnaire franco-espagnol, et est toujours en bon état .

Je pourrais continuer et vous parler des autres 40 ou 50 pêche arrière, mais nous serions encore là demain matin et nous raterions la messe.

Aujourd'hui’, il en reste 11 ou 12 basés à Boulogne, sur les 67 ayant fréquenté notre port.. C’est comme çà, que çà nous plaise ou non.

Ce n’est pas gai, mais ce qui n’est pas gai non plus, et même révoltant, c’est que marins ont péri à bord de ces bateaux, malgré tous les progrès réels en matière de sécurité. Ils ont pris tous les risques, y compris celui de perdre leurs vies, pour ramener le maximum de poisson, sans même savoir s’il serait bien vendu et s’ils seraient ainsi correctement rémunérés.

Leur métier, votre métier, est toujours le plus dur et le plus dangereux du monde et cette exposition, hommage à tous les marins qui ont fait Boulogne, qui ont fait la richesse de Boulogne depuis des siècles, est aussi un hommage encore plus fort à tous les marins de Boulogne partis en mer pour nourrir leurs familles, élever et éduquer leurs enfants, et qui ne sont pas revenus.

Je pense aussi , et je suis sûr que je ne suis pas le seul ici ce soir, à une petite fille qui avait six ou sept ans quand son père, jeune patron de pêche, s’est noyé en mars 1961 en mer du nord, à la jeune grand mère qu’elle était devenue et qui s’est noyée il y a deux mois.

Voilà.
Merci de m’avoir écouté.